Jouer du piano avec un équipement d’alpiniste

Jouer du piano avec un équipement d’alpiniste

« IX KLA VIER E », tel était le nom de la performance d’environ une demi-heure de Nick Acorne, pour laquelle 3×3 pianos avaient été montés les uns sur les autres dans l’antichambre. Devant eux s’étendait un échafaudage qu’Acorne pouvait escalader d’un pas rapide. Équipé d’un casque et d’une ceinture à laquelle étaient accrochés toutes sortes d’ustensiles de cuisine, contre-assuré par une corde, il se balançait non pas de branche en branche, mais de piano en piano, pour jouer de courts passages sur chacun d’eux. Tous donnaient lieu à une composition vraiment époustouflante, mais d’abord pour le pianiste lui-même. Il devait à chaque fois franchir quelques mètres de hauteur, aussi bien vers le haut que vers le bas, ou se faufiler sur les entretoises métalliques pour atteindre l’instrument suivant. Les pianos eux-mêmes étaient préparés et présentaient des caractéristiques sonores différentes.

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« IX Kla vier e »

L’essentiel de toute leçon de piano – la bonne position assise et la bonne position des mains – s’est révélé absurde lors de cette performance. Dans les régions les plus élevées, Acorne a dû se suspendre à la corde ou s’agenouiller devant les pianos, parfois dans la partie la plus basse. Ce qui était étonnant, c’est que malgré les difficultés sportives, il en résultait une composition improvisée qui pouvait être entendue même sans escalade. Le fait que chaque représentation – il y en avait trois au total – ait été différente est évident au vu du concept. L’artiste, qui avait auparavant suivi un cours d’escalade pour débutants, a constaté dans une interview avec Daniela Fietzek qu’il ne sous-estimait pas l’effort physique, « mais je sais de moi-même que dès qu’il s’agit d’art, je trouve toujours des ressources dans mon corps ».

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« IX Kla vier e » (Foto: ORF musikprotokoll/Martin Gross)

Les chaussettes de couleurs différentes lors de la 2e représentation – l’une était jaune, l’autre bleue – ainsi que le bref rappel – suspendu à l’envers dans la corde – en disaient long.

S’il convient d’apprécier la performance physique et artistique de Nick Acorne, il ne faut pas oublier que ses activités sont également teintées d’une grande dose d’humour. Le rire et l’étonnement étaient tout aussi permis.

Quatre femmes et un homme

Quatre femmes et un homme

La première représentation de « canvas » de la compositrice slovène Nina Šenk et de la librettiste Simona Semenič a été présentée. Šenk a reçu après la représentation le prix du concours de composition d’opéra Johann-Joseph-Fux qu’elle avait remporté avec cet opéra.

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« canvas » (Foto: ORF musikprotokoll/Martin Gross)

Le film raconte l’histoire de quatre femmes qui, sans le savoir, aiment le même homme. Celui-ci passe de l’une à l’autre comme bon lui semble et tente de manœuvrer et de retenir les femmes dans des dépendances affectives. Ingo Kerkhof – professeur de KUG en représentation dramatico-musicale (interprétation scénique) a assuré la mise en scène, Katharina Zotter s’est occupée des décors et Gerrit Prießnitz était responsable de la direction musicale.

L’orchestre était placé contre le mur gauche de la salle, le chef d’orchestre était dos au mur et avait ainsi une vue sur l’ensemble instrumental ainsi que sur les chanteuses. Une plate-forme tournante carrée, recouverte de tissu blanc et haute de quelques centimètres, marquait la zone sur laquelle on jouait et chantait. De plus, les chanteuses agissaient à tour de rôle à un bureau situé sur le bord droit de la scène, face au public.

Les étudiantes se sont glissées dans différents rôles et ont notamment mimé une partie d’ouvrières d’usine. Dès le début, une jeune fille a vécu sa mort tragique sur une civière d’hôpital. Son alter-ego a chanté ce processus comme si la mourante se regardait mourir. Les circonstances exactes qui ont conduit à cette mort n’ont pas été élucidées – les spéculations à ce sujet peuvent clairement être individuelles.

Le livret séduisant, composé de phrases courtes et concises, avec des répétitions et des expressions parfois grossières, a offert à la compositrice une grande quantité de nourriture émotionnelle qu’il s’agissait de transposer sur le plan sonore. Šenk a réussi à faire entendre les voix au premier plan et à n’utiliser la partie instrumentale qu’en soutien.

L’orchestre ne joue un rôle beaucoup plus important que dans un passage où il est question d’un abus sexuel. Dans cette partie, le texte est en grande partie parlé et l’acte de violence est illustré par la fureur des instruments qui produisent des bruits de craquement et de cliquetis. Dans cette scène, toutes les femmes se tiennent immobiles, vêtues de noir, sur l’estrade et attendent dans cette position jusqu’à ce que l’une d’elles murmure : « I have to be quiet when it’s time to be quiet ». Cette phrase est reprise par les autres, qui la transforment en un chant chuchoté qui se glisse sous la peau.

 /><p id=« canvas » (Foto: ORF musikprotokoll/Martin Gross)

Les différents personnages ont été bien mis en valeur – des femmes mariées qui ont peur que leur liaison soit découverte, une jeune fille qui demande à Dieu de la délivrer, une ouvrière d’usine qui voit dans l’homme l’accomplissement suprême, une dame qui commence à se sentir à nouveau jeune grâce au bonheur d’aimer. Le womanizer lui-même – également représenté par l’une des femmes – n’entre que brièvement en jeu et n’est montré ni séduisant ni violent. Seule une femme se trouve en dehors de la spirale de l’amour. Elle est annoncée comme une grosse Italienne qui arrive sur scène sans chanter et repart. C’est la seule qui ne semble pas être dépendante sur le plan émotionnel, mais qui, au vu de la description de son corps, devrait exercer une forte attirance sexuelle.

La compositrice utilise des quatuors, mais aussi des arias en solo, et a marqué les changements de scène par de forts bruits de respiration, amplifiés par microphone. C’est l’équilibre particulièrement réussi entre la parole et la musique qui rend cette représentation si particulière. La projection du texte anglais sur un grand écran derrière les chanteuses a été utile, mais aussi bien gérée d’un point de vue esthétique. De plus, ces dernières, étudiantes à l’université de musique de Graz, étaient toutes parfaitement disposées.

Melis Demiray, Lavinia Husmann, Laure-Cathérine Beyers, Marija-Katarina Jukić, Ellen Rose Kelly, Christine Rainer et Ana Vidmar peuvent être félicitées pour leur magnifique prestation.

Le son de la nature dans la salle de concert

Le son de la nature dans la salle de concert

Le protocole musical a présenté au public de Steirischer Herbst un programme tellement dense par soirée que de nombreuses personnes ont quitté le lieu de représentation à peu près à la mi-temps. Cela est peut-être moins dû à un manque d’intérêt qu’à un trop-plein de choses entendues et vues. A cela s’ajoute le fait que la salle List, dans laquelle se sont déroulées trois soirées consécutives, n’est desservie par le tramway en direction du centre-ville que jusqu’à 23h15. Malheureusement, de nombreux spectateurs n’ont pas eu l’occasion d’écouter ce qui aurait pu être entendu. Comme ce soir-là l' »Aria » de Beat Furrer, à la représentation duquel nous n’avons pas pu assister.

La soirée a été brillamment ouverte par le « Piano Concerto » de Kristine Tjøgersen. Au piano, Ellen Ugelvik, n’a pas fait résonner le piano à partir des touches. Au contraire, au fur et à mesure que l’orchestre jouait, elle a intégré dans la caisse de résonance une forêt de petits arbres, comme on en voit dans les décors des trains miniatures. La compositrice est fascinée par la communication des arbres, qui se déroule de manière invisible sous terre, et a ainsi trouvé une transposition adéquate de la visualisation. Outre les sons, ce sont surtout des bruits, comme des crépitements et des crépitements, mais aussi des bruissements, des bruits de vent ou le bourdonnement des abeilles, que l’on pouvait entendre à côté de lignes de basse répétitives et descendantes, mais aussi de petits fragments de mélodies. Une fois la construction de la forêt artificielle terminée, la performeuse s’est occupée d’un enregistrement vidéo en direct qui a été projeté sur le grand écran derrière l’orchestre. La tâche que la compositrice s’était fixée pour ce concert, à savoir donner une voix à la nature dans la salle de concert, a été effectivement réalisée par elle de manière audible et visible dans ce setting.

Madli Marje Gildemann s’intéresse aux oiseaux nocturnes et a essayé de se mettre à la place de ces animaux en les observant. Dans sa composition « Nocturnal Migrants », elle produit un son flottant qui s’enfle et se dégonfle et se répète dans une exécution similaire, mais pas identique. Un gazouillement affolé trahit un malheur à un moment de la composition, tout comme une partie de couleur très sombre qui apparaît dans la basse du piano après les sons de peur des oiseaux. Le ton général est dominé par une excitation, une tension permanente qui ne s’apaise que lorsque la musique s’éteint à la fin de la composition. Son travail porte sur la force d’attraction de la lumière exercée sur les oiseaux, qui peut finalement avoir des conséquences fatales. Mais elle décrit elle-même ce phénomène « comme une métaphore des comportements impulsifs et compulsifs des gens… qui ont peu d’idée des motifs qui les animent ».

« if left to soar on winds wings » de Karen Power a été créé, outre la partie live du Klangforum, à partir de sons enregistrés que la compositrice a collectés tout autour du globe. Elle se rend de préférence dans des endroits où il y a peu de monde, mais constate à chaque fois qu’il n’y a plus d’endroits dans le monde où l’homme n’est pas déjà passé et n’a pas laissé de traces. Ce que l’on entend partout comme une constante, c’est le vent – même si c’est sous différentes formes. C’est d’ailleurs ce phénomène naturel que l’on entend dès le début de leur composition. Des bruits de stridulation et des chants d’oiseaux apparaissent également dans son œuvre, mais l’élément déterminant reste le vent, auquel on peut même attribuer la fonction de basse continue. « Comme beaucoup de mes œuvres, « …if left to soar on winds wings… » invite chaque performeur et spectateur à écouter tous les sons simplement comme une musique que nous n’avons jamais entendue auparavant. Je nous demande à tous d’ouvrir nos oreilles et de nous reconnecter à notre environnement, comme quelque chose qui nous unit plutôt que de nous diviser, et de reconsidérer notre pouvoir et notre influence sur tout ce qui nous entoure ». – déclare Karen Power dans sa déclaration, que l’on peut lire dans le programme.

La représentation d' »Exercises in Estrangement II – L’animal que donc je suis » de Sandeep Bhagwati a fait preuve d’originalité.

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« Exercises in Estrangement II – L’animal que donc je suis » (photo : ORF musikprotokoll/Martin Gross)

L’ensemble a ainsi pu se déplacer sur scène de manière chorégraphique et s’est retrouvé dans des constellations toujours nouvelles. Agenouillés au début, puis marchant ou tournant autour de leur propre axe, les musiciens ont offert dans leur action non seulement une nourriture pour l’oreille, mais aussi pour les yeux. Le point de départ de l’œuvre était un livre de Jacques Derrida, dans lequel il explore les liens étroits entre l’animal et l’homme. Les musiciens se sont glissés à plusieurs reprises dans le rôle de différents animaux et ont communiqué entre eux en permanence. Associés à des voix enregistrées, dont le texte est parfois volontairement incompréhensible, il en résulte un réseau animal, humain et auditif dont les différentes composantes ne constituent plus un centre de gravité. Des chants d’oiseaux, des rugissements d’éléphants ou des grésillements de cigales, c’est tout cela que l’on a pu entendre grâce à la mise en œuvre d’instruments individuels mais aussi à l’utilisation active de la voix.

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Schallfeld Ensemble (Foto: ORF musikprotokoll/Martin Gross)

En deuxième partie de soirée, l’ensemble Schallfeld a interprété « My fake plastic love » de Sehyung Kim, Dune de Carlo Elia Praderio et Katharina Klements « Monde II ». Cette dernière œuvre a connu une sorte de « pratique d’exécution historique » avec deux machines de mélange remises en état, puisque ces deux machines avaient déjà été utilisées dans un travail antérieur de Klement.

En raison de grandes similitudes, ou plutôt de grandes parentés dans certaines parties des compositions, on peut qualifier la programmation de cette suite de concerts de très cohérente en soi. Toutes étaient caractérisées par des concentrations de sons récurrentes ainsi que par une diminution opposée. Sehyung Kim travaille avec les timbres les plus divers des instruments et, vers la fin, avec des intervalles de plus en plus étroits. La composition de Praderio est minimaliste, contemplative et sombre dans son ensemble. Klement utilise des sons de cloches fréquents qui contrastent avec les bruits des machines de mixage. Des inserts électroniques élargissent son univers sonore, qui se caractérise également par des passages récurrents.

Une soirée de concert remplie jusqu’à la corde, qui a offert de la nouveauté, mais aussi la possibilité de faire des comparaisons entre certaines compositions.

Le son spatial dans le « Dom im Berg »

Le son spatial dans le « Dom im Berg »

Le programme – quatre morceaux plus trois autres provenant de candidatures pour la Student 3D Audio Competion – a montré de manière exemplaire ce qui a également été demandé au public les soirs suivants : Persévérance. De 19 heures à 22h30, avec de courtes pauses, les expériences sonores proposées ont attiré un public international.

Le coup d’envoi a été donné par « Organa Quadrupla » de Heinali qui, avec son synthétiseur modulaire, a utilisé les possibilités sonores grandioses de l’installation Ambisonics du Dôme dans la montagne. Fasciné par les structures polyphoniques telles qu’elles étaient utilisées à la Renaissance, il a mis en place sa composition de manière similaire. Il a produit le son de vieilles orgues, de flûtes alto ou d’une cornemuse et a accompagné les lignes mélodiques courantes d’une sorte de basse continue. Après une intro, encore entièrement liée à un décor sonore historique, il devient audible que ce sont des sons électroniques qui sont produits ici. L’augmentation du nombre de voix va jusqu’à créer un son de cathédrale, dans lequel un flux et reflux de sons est caractéristique. Dans la dernière partie de l’œuvre, un rythme est habilement déposé dans la basse, qui se perd vers la fin. Une entrée en matière du festival réussie sur le plan sonore, qui ne rompt pas trop avec nos habitudes d’écoute et qui a donc été très appréciée du public.

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« Organa Quadrupla » – Dom im Berg (Foto: ORF musikprotokoll/Martin Gross)

Le contraste était saisissant avec l’œuvre collective « forest Floodlights » de la Croate Manja Ristić, ainsi que Abby Lee Tee et Franziska Thurner, toutes deux autrichiennes. Elles ont reçu une commande de composition dans le cadre d’une résidence d’artiste SHAPE+ et ont exploré pour cela le son d’une région isolée du Mühlviertel. SHAPE+ est la plateforme pour de nouveaux projets passionnants dans le domaine de la musique et de l’art audiovisuel du réseau de festivals ICAS, créé en 2014 par musikprotokoll en collaboration avec quinze autres festivals. https://shapeplatform.eu/ Elle est soutenue par le programme « Creative Europe » de l’Union européenne. L’une des bases à partir desquelles le trio travaillait était le Garage Drushba, autrefois créé par Karl Katzinger. Jusqu’à sa mort en 2021, c’était un lieu de rencontre pour des événements culturels insolites dans le nowhere. Depuis ce lieu, ils ont exploré la région et créé un journal artistique visuel et auditif. La richesse de l’eau du paysage, l’isolement, les anciens décalages du garage Drushba, mais aussi la beauté de la nature ont été capturés. La combinaison d’enregistrements sonores et de prises de son en direct a permis de réaliser une performance cohérente qui nous a plongés au cœur de la frontière nord de l’Autriche. La superposition de plusieurs enregistrements vidéo a conféré à la réalisation visuelle une composante esthétique extraordinaire. Les sons de la nature, tels que le chant des oiseaux, le bruit de l’eau ou le bruissement des feuilles sèches lorsqu’on marche dessus, alternaient avec des sons électroniques, mais aussi des sons live d’un violon et des cris d’animaux. « forest floddlights » est un travail non seulement très reconnaissable, mais qui donne aussi envie de le regarder et de l’écouter plus d’une fois.

L’artiste d’origine taïwanaise Sabiwa a présenté avec son partenaire Nathan L. « Island N. 16 – Memories of future Landscapes ». Elle décrit cette œuvre comme un lieu de mémoire qu’elle a créé pendant la pandémie.

Outre une installation vidéo variée, qui alterne entre des prises de vue réelles, des prises de vue dans lesquelles le matériel réel a été modifié et des prises de vue purement générées par ordinateur, elle a créé un réseau sonore tout aussi varié. Des enregistrements se mêlent à des prises de son en direct. Des poissons dans un aquarium, visibles sur la vidéo, des fleurs fraîches dans un vase au sol sur la scène, dans lequel sont plantés des tuyaux d’arrosage à travers lesquels on souffle de l’air, des sons de flûte, ceux d’un saxophone détourné et des chants, tout cela forme un kaléidoscope à la fois visuel et auditif, qui change constamment de forme, de couleur et de son. Au début, la vidéo reste entièrement ancrée dans le cliché asiatique des pratiques de bondage, mais elle passe rapidement à des constellations de couleurs purement animées par ordinateur, puis à des impressions de paysages et de villes et à des gros plans de papillons qui se révèlent ou de guêpes qui dévorent. Le produit global parle un langage sonore juvénile avec une grande densité de bruits, dans lequel des passages virent plus tard au psychédélisme. « Island N. 16 – Memories of future Landscapes » est un bon exemple de la fluidité des différentes sources musicales, alternant entre les domaines de la musique électronique et de la musique de variété, qui ne peuvent donc pas être maintenues telles quelles.

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« OSWYC » – Dom im Berg (Foto: ORF musikprotokoll/Martin Gross)

Dans OSWYC – c’est le titre de la composition de Robert Schwarz – il réunit des sons artificiels et naturels, mais qui ne peuvent plus être distingués les uns des autres. Il fait entrer le public dans son œuvre avec des grillons, des bruits de vent et un son vaporeux qui traverse la pièce. Des grincements de porte, un bruit semblable à celui d’une boule de roulette qui rebondit et un gazouilleur accompagné d’une basse sourde se répètent avec de légères modifications. Un ronflement, un murmure, un glouglou et un cliquetis sont interrompus par un crépitement, peu après on croit entendre des bruits d’insectes. Ce sont toujours des bruits de la nature que l’on croit percevoir, toujours des sons et des bruits qui se déplacent à travers la pièce et qui simulent ce qui n’a été réalisé qu’électroniquement.

La soirée s’est terminée par les contributions de trois étudiants qui se sont portés candidats à la ‘Student 3D Audio Competition’. Tous les trois ont montré à quel point ils sont impliqués dans le domaine de la perception de l’espace et du corps et ont démontré une fois de plus les possibilités d’écoute époustouflantes que l’installation sonore du Dom im Berg est capable de restituer.

Qui suis-je en réalité ?

Qui suis-je en réalité ?

La « performance poético-documentaire » a un lien fort avec Graz et sera présentée en tant que co-production dans le cadre de « Steirischer Herbst » au Theater am Lend. C’est logique, puisque le thème du festival de cette année est « Humains et démons » et que de nombreuses contributions sont liées à Graz par leur contenu.

Le texte est écrit par l’ensemble lui-même. Bernhard Berl, Vinko Cener, Franciska Farkas, Natalija Teodosieva et Christian Winkler racontent des histoires de leur vie et de celle de leurs ancêtres. A l’exception de Natalija et Christian, qui se charge de la partie d’intro, ils appartiennent tous au groupe de population des Roms et sont originaires d’Autriche, de Slovénie, de Hongrie et de Macédoine. Entre les différents récits, ils travaillent tous ensemble sur un bateau en bois portant l’inscription « Feuerwehr Steiermark ». Ils le dénoyautent, poncent des parties de la surface, le vernissent et collent ensemble des pièces de bois individuelles.

 /><p id=Moritz Weiß et Ivan Trenev (photos Edi Haberl)

Ivan Trenev (accordéon) et Moritz Weiß (clarinette/clarinette basse) apportent depuis le bord de la scène un fond musical cohérent. Dans leur répertoire, il y a du klezmer avec un fort drive balkanique, mais aussi des morceaux lyriques qui accrochent bien l’oreille, ainsi que des sons dramatiques lorsque l’action s’intensifie sur la scène.

Le bateau utilisé sur scène est un bateau qui était déjà utilisé comme bateau de sauvetage dans la Mur dans les années 30. Le fait qu’elle n’ait pas été utilisée lorsque l’arrière-grand-mère de Bernhard Berl s’est noyée dans la Mur le 13 mars 1938 témoigne de l’attitude hostile de la société dont les Roms ont fait l’amère expérience pendant l’entre-deux-guerres et la Seconde Guerre mondiale.

Bernhard, originaire de l’est de la Styrie, raconte de manière plastique qu’à l’âge de 20 ans, il s’est mis à la recherche de ses ancêtres et a appris qu’il était un Rom. Au cours de son récit, on remarque à quel point il est toujours émotionnellement touché par cette circonstance, même s’il la minimise d’abord avec les moyens de l’humour. « Je suis Rom ? Super, un Italien ! » est sa réaction à la révélation de ses origines. Ce n’est que lorsque sa grand-mère lui répond : « Non, pas un Italien, un gitan », que le jeune homme perd pied. Il avoue franchement qu’il n’aurait pas pu reprendre sa vie en main sans soutien psychologique.

Natalja a vécu des expériences contradictoires. Dès son plus jeune âge, elle était très attachée à l’une de ses « babas », qui était l’une des chanteuses roms les plus connues. Elle voulait devenir comme elle. Quand son frère lui a dit, à l’âge de huit ans, qu’il n’y avait aucun lien de sang entre cette grand-mère et elle et qu’elle n’était pas une Rom, le monde s’est écroulé pour elle.

Vinko, un Rom de Slovénie, a dû apprendre la langue de ses ancêtres à l’âge adulte. Ses parents étaient trop soucieux de s’intégrer dans leur pays et de ne pas se faire remarquer en tant que Roms. C’est presque une ironie du sort que Vinko ait fini par avoir sa propre émission de télévision dans laquelle il présentait les questions relatives aux Roms. Cela fait maintenant plusieurs années qu’il vit à Graz et qu’il fait l’expérience de ce que cela signifie de ne pas être né ici.

Enfin, Franciska commence son récit par une histoire horrible de l’époque nazie. Après une pause de consternation où l’on sent que le public est très mal à l’aise, elle prend soudain un tout autre visage et pose la question de savoir ce qui se passerait si cette histoire était inventée. Franciska est une actrice professionnelle, une célébrité en Hongrie, et elle ne souhaite rien d’autre que de ne pas être constamment occupée par des rôles de Romnja.

Aussi différents que soient tous les parcours de vie de la troupe et les approches de l’origine rom, ils sont unis par le fait qu’à un moment de leur vie, leur identité a vacillé et qu’ils ont dû faire face à leurs origines, qu’ils le veuillent ou non. En utilisant le bateau, Franz von Strolchen a créé deux niveaux dramaturgiques sophistiqués qui, à première vue, semblent très discrets. D’une part, le paradoxe philosophique du bateau de Thésée est expliqué à l’aide de textes défilants. D’autre part, il crée une parenthèse avec le bateau à rames. Elle englobe l’histoire de l’arrière-grand-mère de Bernhard, racontée au début de la mise en scène, vers la fin, car : Dans la dernière scène, le bateau est enveloppé d’un tissu blanc sans paroles, entouré de cordes et finalement laissé seul sur la scène. L’association qui s’arrête ici a de l’importance : ficelés de cette manière, des gens trouvent leur dernier repos, qui meurent en haute mer et ne sont pas ramenés sur terre, mais trouvent leur dernier repos dans les flots des mers ou des rivières.

« Le bateau de Thésée » ouvre de nombreuses fenêtres sur le passé, mais en même temps, on ressent aussi le désir presque impérieux des acteurs et actrices d’un avenir meilleur. Un avenir dans lequel la lignée et l’origine d’une personne ne devraient plus avoir d’importance. Les utopies deviennent une réalité lorsqu’elles sont vécues. Commencer maintenant semble être le mot d’ordre à une époque comme celle-ci, où les courants nationaux contraires se multiplient. Le théâtre contemporain ne peut pas être plus actuel.

Ce texte a été traduit automatiquement avec deepl.com

Scintillement de la mer et crépitement de feu

Scintillement de la mer et crépitement de feu

Selon la mythologie grecque, Dido, issue d’une famille royale phénicienne, fut la fondatrice de Carthage. Elle a fui son pays natal pour échapper à son frère et, grâce à des actions intelligentes dans le nouveau pays où elle était arrivée avec sa suite et ses bateaux, elle a obtenu suffisamment de terres pour pouvoir construire Carthage. Décrite comme une grande reine, belle, intelligente et intouchable, elle tomba amoureuse, par la grâce des dieux, d’Énée qui, ayant fui Troie, lui demanda le droit de rester. Cette histoire d’amour, qui se termine tragiquement, a fait l’objet de nombreuses adaptations littéraires et a été reprise dans près de 90 opéras. Henry Purcell a créé « Dido et Aeneas« , dont ‘Lament de Didon‘ a donné naissance à l’un des plus célèbres et des plus beaux airs funèbres de l’histoire de l’opéra.

Le danseur et chorégraphe turc Korhan Basaran était invité au festival wortwiege « L’Europe en scène« , sous-titré cette fois-ci « Sea change ». Il a présenté sa pièce de danse « Dido » dans laquelle il se glisse lui-même dans le rôle de la femme aimée puis abandonnée par Énée. Les dieux exigent d’Énée qu’il laisse Didon seule à Carthage pour naviguer sur la mer avec son peuple afin de fonder lui-même une ville, à savoir Rome. Cela brise le cœur de la femme autrefois si fière. Basaran concentre l’action sur les derniers moments de la vie de Didon, après qu’elle a été abandonnée par Énée, et rend visibles toutes les émotions que le chagrin d’amour peut engendrer.

Dans le monologue intérieur de Dido, il se concentre sur les émotions existentielles qui surgissent au moment de l’abandon. Des petits bateaux en papier, pliés par le public sous sa direction au début de la performance et placés sur le sol de la scène, montrent clairement que c’est la mer qui a réuni les deux amants, mais qui les sépare aussi en fin de compte.

Accompagnée de couches musicales du compositeur Tolga Yayalar, la Dido-Lament de Purcell résonne dès le début. Si ce n’est d’abord que la séquence harmonique, transposée en sons électroniques, que l’on entend délicatement, Dido finira par chanter elle-même le refrain de ce lamento à haute voix et avec une émotion intense. Yayalar a également créé les perceptions auditives de la corne d’un grand paquebot, le gazouillis des oiseaux, les bruits menaçants des démons et les craquements et crépitements du bois qui brûle. Ataman Girisken contribue également de manière significative au succès de la production avec ses visuels. Selon l’ambiance, il plonge l’espace dans des brisures de vagues scintillantes bleues et blanches, le dote d’un ciel étoilé scintillant, le transforme en une grotte sombre ou déclenche des moments angoissants lorsque Didon trouve la mort sur le bûcher. Des langues de feu rouges s’embrasent jusqu’à ce que la figure de Didon allongée sur le sol se dissolve visuellement. L’embrasement vaporeux qui s’ensuit reste également perceptible dans ses mouvements ondulatoires conçus de manière abstraite, qui sont en même temps incroyablement esthétiques.

La Dido de Korhan Basaran est secouée de spasmes douloureux, mais laisse aussi apparaître cette attitude défensive qui résulte d’une fierté blessée. Un jeu de physionomie expressif rend visible chaque mouvement émotionnel. Que ce soit le désespoir, la peur, l’espoir ou le dégoût. Le personnage de grande taille, vêtu d’une longue jupe et dont le torse n’est habillé que d’une chemise, transmet de manière contemporaine cette image de Didon qui a été transmise dans la tradition. Mais Basaran se glisse aussi dans la peau d’Énée qui, une lanterne à la main, affirme à Didon que ce n’est pas sa volonté mais celle des dieux qui l’oblige à la quitter.

C’est le mélange brillamment conçu de sa danse expressive, des passages de textes choisis d’après Virgile et Christopher Marlowe qu’il récite, des visuels évocateurs et de la musique qui créent un événement scénique harmonieux et émotionnellement captivant. Avec son interprétation de Dido, Basaran poursuit une tradition qui a captivé d’innombrables générations et qui, à en juger par la réaction du public, continue de susciter l’émotion aujourd’hui.

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