Io sono – je suis – ich binIo sono – je suis – ich bin

Io sono – je suis – ich binIo sono – je suis – ich bin

Michaela Preiner

Foto: ( )

9.

Februar 2011

Une maladie, un coup du sort – beaucoup de choses peuvent nous éjecter de notre trajectoire. Heureux sont ceux qui, dans ce genre de situation, ont l’occasion de vivre ce que nous montre le danseur ici : Rinascita ! Une renaissance, recommencer à zéro ! Qui n’en a jamais rêvé ? Maintenant, il est capable d’atteindre un état d’euphorie, […]

Une maladie, un coup du sort – beaucoup de choses peuvent nous éjecter de notre trajectoire. Heureux sont ceux qui, dans ce genre de situation, ont l’occasion de vivre ce que nous montre le danseur ici : Rinascita ! Une renaissance, recommencer à zéro ! Qui n’en a jamais rêvé ?

Maintenant, il est capable d’atteindre un état d’euphorie, dans lequel la musique de Bach l’avait mis auparavant, sans ses écouteurs. Voilà la définition impressionnante que se fait Enrico Tedde du paradis, à la fin ou au commencement de la vie. Un paradis, dans lequel l’homme innocent est lui-même et qui n’a besoin de rien si ce n’est d’une bulle de sons d’une beauté étourdissante. Ce n’est pas étonnant que l’on n’ait pas envie de retrouver ce monde innommable dans lequel la contrainte et la norme sont les éléments prédominants. L’homme est purifié, mais cette purification est de courte durée. D’abord imperceptiblement mais de plus en plus clairement, la chorale de Bach est distordue jusqu’à ce qu’elle se noie dans une multitude de sons indéfinissables, qui n’ont plus aucun rapport avec le divin. A l’accéléré, le danseur qui ne porte qu’une ceinture, traverse tous les stades de l’existence humaine, de la toute petite enfance jusqu’à la vieillesse. Pour illustrer cette évolution, Tedde se sert de différents ustensiles comme par exemple des saladiers en plastique qui symbolisent le goût, l’ouïe et la vue. Avec son accoutrement bizarre, il plonge même pour un court moment dans le monde des insectes. Au moment où il s’arrête sous le couloir, dans la partie arrière de la scène, l’alter ego du danseur le couvre tendrement d’une poussière blanche. Ses cheveux sombres blanchissent, mais il ne semble pas triste de vieillir, au contraire ! Sa danse sous cette poussière blanche qui couvre petit à petit le sol exprime plutôt la joie, comme si la poussière le couvrait de quelque chose capable d’apporter la guérison. Quelque chose qui donne la vie, qui ne la prend pas. «Moriti – Moriti» scandent les haut-parleurs. «Meurs, meurs !» une invitation jouissive soulignant la joie que l’on peut éprouver à la fin de sa vie. A ce point culminant, de nombreuses questions se posent : Faut-il suivre cette invitation et considérer la mort comme quelque chose de jouissif ? Est-ce que le temps guérit effectivement toutes les blessures, ou est-ce qu’il nous rapproche simplement d’une solution, d’une solution capable de tout guérir, celle que nous appelons la mort ou la rédemption ? La poussière blanche est-elle destructrice ou féconde ou les deux à la fois ?

L’alter ego de Tedde traverse à plusieurs reprises la scène. Parfois, il est inquiétant, parfois il donne la bénédiction. Au début, il porte un chapeau d’apiculteur. «Quand un apiculteur doit réunir deux populations d’abeilles pour les sauver, puisque seules elles ne pourraient survivre, il utilise de la farine qu’il vaporise, mélangée à de l’eau, sur les insectes. Réunies dans la lutte pour la survie en se nettoyant mutuellement les ailes, les abeilles finissent par se mélanger et former une seule et grande famille.» Voilà ce qu’explique Tedde dans un entretien qui suit sa performance. L’accessoire de l’apiculteur et la farine trouvent donc leur signification. Mais en dépit de ces explications, mon interprétation personnelle de cette scène impressionnante reste pour moi néanmoins valable. Et cela fait du bien, puisque rien n’est plus douloureux qu’un spectacle que l’on démystifie. Avec son explication, l’artiste réussit à enrichir la pièce d’une dimension supplémentaire au regard de celles que l’on imagine en la regardant. L’image de l’apiculteur qui sauve les populations d’abeilles fait aussi allusion à cette force qui, à chaque fois qu’un danger menace,  fait en sorte que les hommes se rapprochent. Peu importe, si ce mécanisme s’enclenche à l’intérieur d’une famille ou bien dans un collectif plus important – jusqu’aux populations entières. Le principe de l’entraide dans le monde animal fonctionne aussi chez l’être humain. Selon ses interprétations on peut aussi réfléchir à la question de savoir si cela arrive à cause d’un destin qui est soumis à une force divine. Ou alors on peut se référer aux explications selon lesquelles l’homme, dans des situations d’urgence, fait intuitivement appel à des schémas de comportement biologiques ou sociaux. On pourrait appeler cela prosaïquement : l’aide à la survie de l’espèce.

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